Sortie du disque "Musikalische Perlen"- label ARS Produktion
Magazine Klassik Heute - Norbert Florian Schuck - août 2022
La flûtiste Odile Renault et la harpiste Élodie Reibaud fondent en 2014 l’ensemble Les Connivences Sonores. Depuis, elles se consacrent entre autres, à l'exploration du répertoire pour flûte et harpe. Sous le titre Perles musicales, elles présentent aujourd'hui un album d'oeuvres originales créées au XXe siècle pour cette formation en duo. En ce qui concerne la composition du programme, les deux musiciennes ont fait preuve d'une remarquable perspicacité, les morceaux choisis formant une suite d’oeuvres riches en contrastes et en styles.
Répertoire insolite
La pièce la plus ancienne retentit d'entrée : la Sonatine en trois mouvements de Désiré-Émile Inghelbrecht, datant de 1919, reflète à chaque mesure l'attachement de son compositeur à Claude Debussy, dont Inghelbrecht, en tant que chef d'orchestre nous a laissé un enregistrement intégral des œuvres orchestrales. Cette œuvre gracieuse est suivie de la Sonate op. 56 de Lowell Liebermann, écrite en 1996. Pièce la plus dramatique de tout le programme, en un seul mouvement, elle commence lentement dans les registres graves des deux instruments, s'intensifie jusqu'à une partie centrale rapide pour se terminer par un retour varié de l'introduction. Liebermann se révèle ici un créateur magistral de musique ombrageuse et crépusculaire. Un sous-entendu nerveux et tendu domine l'ensemble de l'œuvre, dont la signature D-Es-C-H de Chostakovitch ne fait pas partie du matériel motivique par hasard.
Des sonorités exotiques
Ami Maayani, lui, était un spécialiste de la musique du Proche-Orient. Son Arabesque no 2, composée en 1973, est basée sur des modes et des rythmes de maqamat arabe, dont le compositeur tire des sonorités scintillantes et mystérieuses. La harpe peut ici montrer de quelle richesse de couleurs elle est capable. À certains endroits, on a l'impression d'entendre des cymbales. Ned Rorem, l'un des grands poètes lyriques de la musique américaine, a composé en 1975 un Livre d'Heures pour flûte et harpe. Les huit courts mouvements de ce cycle s'orientent sur les différentes parties de la liturgie des heures, des matines aux complies, et décrivent donc en même temps le déroulement de la journée. Il faut souligner ici la variété de l'interaction entre les instruments. Une partie des pièces est conçue comme un concerto, d'autres peuvent être décrites comme des dialogues instrumentaux. Il y a également de longs solos pour les deux instruments. La flûte et la harpe prononcent la prière nocturne finale au même rythme. Le programme se termine par trois miniatures de Witold Lutosławski, qui ne durent chacune qu'un peu plus d'une minute. Ces pièces, expressément nommées Fragments, ont été composées en 1953 pour deux pièces radiophoniques dont l'action se situait dans l'Antiquité grecque.
Ce voyage musical à travers le XXe siècle, extrêmement varié, reste captivant jusqu'au dernier morceau de par le jeu d’Odile Renault et d’Elodie Reibaud. Le choix du nom de l'ensemble ("Connivence Sonore" = complicité, entente musicale) semble on ne peut plus pertinent, au vu de cet enregistrement.